Gnosticisme
L'Évangile selon Marie
L’ÉVANGILE SELON MARIE
Traduction de Anne Pasquier
Note des traducteurs : Cette traduction française est le résultat d'un travail en cours, elle est donc provisoire et sujette à des modifications. Elle a été faite intégralement à partir du texte copte. Celui-ci étant écrit de façon continue, les divisions des phrases, de même que les divisions en paragraphes sont le fait du traducteur.
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Les chiffres indiquent les pages du texte copte auxquelles la traduction correspond ; lorsqu'ils sont en exposant, ils indiquent les lignes.
Voici la signification des signes critiques utilisés dans la traduction :
[ ] restitution par l'éditeur moderne
< > correction par l'éditeur moderne
{ } suppression par l'éditeur moderne
( ) ajout par l'éditeur moderne
# # suppression par le scribe
/ / ajout par le scribe
† † passage corrompu
(Les pages 1 à 6 manquent)
[ . ] . [ . . . . . . . . ] la [ma]tière sera-t-elle donc [détruite] ou non ? »
Le Sauveur dit : « Toute natures, toutes créatures, toutes créations sont liées les unes aux autres mais c’est dans leur propre racine qu’elles retourneront se dissoudre car ce n’est que dans (les racines) de sa nature que se dissout la nature de la matière. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. »
Pierre lui dit : « Puisque tu nous a expliqué toutes choses, dis-nous encore ceci : Qu’est-ce que le péché du Monde ? »
Le Sauveur dit : « Il n’y a pas de péché, mais c’est vous qui faites exister le péché lorsque vous agissez en conformité avec la nature de l’adultère que l’on nomme «le péché». Voilà pourquoi le Bien est venu au milieu de vous jusqu’aux (éléments) de toute nature pour la rétablir dans sa racine. »
Il continua et dit encore : « Voilà pourquoi vous êtes affai[blis] et vous mourez puisque v[ous . .] de ce qui . . . . . [. . . . . . . Que celui qui peut] comprendre, comprenne. [La matière a engendré] une passion qui ne possède pas l’Image puisqu’elle est issue d’une (union) contre nature. Le trouble naît alors dans le corps tout entier. C’est pourquoi je vous ai dit : « Soyez obéissants et à la fois désobéissants pourvu que vous soyez obéissants envers chaque Image de la nature. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. »
Après avoir dit cela, le Bienheureux les salua tous, en disant : « Paix à vous. Que ma paix s’engendre en vous. Veillez à ce que personne ne vous égare en disant : “Le voici” ou “Le voilà” car c’est à l’intérieur de vous qu’est le Fils de l’Homme. Suivez-le. Ceux qui le chercheront, le trouveront. Allez donc et proclamez l’Évangile du Royaume. N’imposez aucune règle hormis celle que je vous ai fixée et ne donnez pas de Loi à la manière du Législateur afin que jamais vous ne soyez dominés par elle. »
Lorsqu’Il eut dit cela, Il partit. Eux cependant étaient affligés, ils pleurèrent abondamment se disant : « Comment irons-nous vers les Gentils et comment proclamerons-nous l’Évangile du Royaume du Fils de l’Homme ? Si Lui n’a pas été épargné, comment, nous, le serions-nous ? »
Alors Marie se leva, elle les embrassa tous et dit à ses frères : « Cessez de pleurer et de vous affliger et que votre cœur ne soit plus partagé car sa grâce vous accompagnera tous et vous protégera. Louons plutôt sa grandeur car Il nous a préparés, Il nous a faits Homme. » Par ces paroles, Marie convertit leur cœur au Bien et ils se mirent à argumenter sur les paroles du [Sauveur].
Pierre dit à Marie : « Sour, nous savons que le Sauveur te préférait aux autres femmes, rapporte-nous les paroles du Sauveur que tu as en mémoire, celles que tu connais mais nous pas et que nous n’avons pas entendues. »
Marie répondit et dit : «Ce qui vous est caché, je vais vous l’annoncer», et elle se mit à leur tenir ces propos : « Moi », dit-elle, « je vis le Seigneur en vision et je lui dis : Seigneur, je t’ai vu en ce jour en vision. Il répondit et me dit : Bienheureuse, toi qui ne te troubles pas à ma vue car, là où est l’intellect, là est le trésor.
(Alors) je lui dis : Et maintenant Seigneur, celui qui perçoit la vision, est-ce de l’âme au moyen du pneuma qu’il la voit ?
Le Sauveur répondit et dit : ce n’est ni au moyen de l’âme ni au moyen du pneuma qu’il voit mais l’intellect [étant] entre les deux, c’est lu[i qui] perçoit la vision et c’est lui q[ui . . .]
(Les pages 11 à 14 manquent)
(.) lui, et le Désir parla : « Je ne t’ai pas vue descendre et pourtant je te vois monter. Or comment peux-tu (me) tromper puisque tu m’appartiens ? »
L’âme répondit et dit : « Moi je t’ai vu (mais) tu ne m’as pas vue et tu ne m’as pas reconnue. J’étais à toi, pour ce qui est du vêtement et tu ne m’as pas connue. » Ayant dit cela, elle s’en alla toute réjouie et de nouveau elle tomba aux mains de la troisième Puissance, celle que l’on nomme l’Ignorance.
[Elle] interrogea l’âme lui demandant : « Où vas-tu ? Par un mauvais penchant n’as-tu pas été dominée ? Mais oui, tu as été dominée. Ne t’érige pas en juge. »
Alors l’âme dit : « Pourquoi me juges-tu, moi qui n’ai pas jugé ? On m’a dominée, moi qui n’ai pas dominé. On ne m’a pas reconnue, mais moi j’ai reconnu que le Tout doit se dissoudre, aussi bien les choses terrestres que les choses célestes. »
L’âme ayant rendu inoffensive la troisième Puissance continua de monter et elle aperçut la quatrième Puissance : elle avait sept formes.
La première forme est la Ténèbre.
La deuxième, le Désir.
La troisième, l’Ignorance.
La quatrième est la Jalousie de la Mort.
La cinquième est la Royauté de la Chair.
La sixième est la Folle Sagesse charnelle.
La septième est la Sophia coléreuse.
Telles sont les sept [Puiss]ances de la Colère qui pressent l’âme de questions : « D’où viens-tu homicide ou alors où vas-tu toi qui maîtrises le lieu ? »
L’âme répondit et dit : « Celui qui me dominait a été frappé à mort et celui qui m’encerclait a été maîtrisé et alors mon désir s’apaisa tandis que mourut mon ignorance. Dans un monde, j’ai été délivrée grâce à un monde et dans une Image, grâce à une Image supérieure. Or, ce sont les liens de l’oubli qui sont provisoires. Désormais j’obtiendrai le repos dans le temps instantané de l’éternité, en Silence. »
Après qu’elle eut dit cela, Marie garda le silence : c’est ainsi que le Sauveur s’était entretenu avec elle jusque-là.
Or, André prit la parole et dit à (ses) frères : « Dites, que pensez-vous de ce qu’elle vient d’affirmer ? Pour ma part, je ne crois pas que le Sauveur ait dit cela. Car, semble-t-il, ces enseignements diffèrent par la pensée. »
Pierre prit la parole et discutant de questions du même ordre, il les interrogea sur le Sauveur : «Est-il possible qu’Il se soit entretenu avec une femme en secret — à notre insu — et non ouvertement si bien que nous devrions nous, former un cercle et tous l’écouter ? Il l’aurait choisie, de préférence à nous ?»
Alors Marie se mit à pleurer. Elle dit à Pierre : « Pierre, mon frère, que vas-tu donc penser ? Crois-tu que c’est toute seule dans mon cœur que j’ai eu ces pensées ou qu’à propos du Sauveur, je mente ? »
Lévi prit la parole et dit à Pierre : «Pierre, depuis toujours tu es un tempérament bouillant, je te vois maintenant argumenter contre la femme comme un adversaire. Pourtant, si le Sauveur l’a rendue digne, qui es-tu toi pour la rejeter ? Sans aucun doute, c’est de manière indéfectible que le Sauveur la connaît. C’est pourquoi Il l’a aimée plus que nous. Ayons plutôt honte et revêtons-nous de l’Homme parfait, engendrons-le en nous comme Il nous l’a ordonné et proclamons l’Évangile en n’imposant d’autre règle ni d’autre Loi que celle qu’a prescrite le Sauveur.»
[Or], après que [Lévi eut prononcé ces mo]ts, ils se mirent en route [pour an]noncer et prêcher.
L’Évangile selon Marie.